jusquaquelpoint

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Petite lettre ouverte à quelqu'un qui fut un sacré connard <3

J'ai juste écrit ça sur un forum en repensant à une nuisance de ma vie passée (parmi les nombreuses nuisances de ma vie passée), et comme je trouve ça drôle ba j'ai décidé de le rendre relativement public. Juste pour le fun.

Voiloù :3

 

"Huhuhu.
Nan j'ai juste envie de baver pour rien, là, comme ça, rétrospectivement.
Un peu mon tour hein?

Dfaçon j'imagine que t'as plus de compte ici, ou que t'y retourne jamais, donc pas d'souci je pose ça dans le vide. C'est marrant comme lire des gens qui gueulent ça m'apprend à gueuler oklm. Dommage que ça m'arrive que maintenant :)

Lol, c'était drôle, pauvre con, tes longues discussions à plus finir sur les chats à reprendre les moindres termes du moindre truc qu'on te disait pour expliquer que tel terme t'allait pas, pour me chier du "factuellement" toutes les 3 lignes, afin de faire comprendre que "factuellement tes ressentis valent rien donc jleur chie dessus" et me prendre la tête sur la plus petite ligne insignifiante avec tes vues et tes vécus tellement plus importants.
Marrant comme pour un mec vachement non-conventionnel qui pétait à la gueule de ce monde pourri et tout, tu pouvais être jugeant et conventionnalisant auprès de tes relations privées. Yavait toujours un truc qui était pas assez subversif ou quoi hein. On est toujours soupçonné d'être un méchant agent de la normativité, et ça c'est très mauvais wouloulouuuu. Toi par contre t'es au-delà de toute atteinte :)
C'est sûr que faire chier sur des tournures de phrases ou des insécurités qui sont pas assez socialement décapantes c'était pas injonctif, c'était pas un gros truc de dominateur ça. Nonon. Allons.

Lol. Et ensuite faire des ronds de jambes devant "la personne trop spéciale pour toi" après avoir chié à la gueule du coucouple normé et avoir culpabilisé ceux qui pensaient comme ça c'est hilarant xD
Venir mignonnement me faire comprendre par sous-entendus dans un message sur un forum public que les relations sexuelles qu'on a eues c'était juste de "la grosse immaturité animale" de mec pas rangé qui n'a pas pu s'épanouir dans la fleur de la relation complice parfaite. Mais c'est tellement drôle. Pauvre type.
À part ça j'imagine que ta non-normativité elle est au beau fixe, hein, t'es l'avant-garde de la destruction de la société bourgeoise.
Excuse-moi je respire un peu, une assemblée de mille personnes est en train de se tordre de rire par terre et peut plus reprendre son souffle.
T'es le roi du stand-up, faut ce qu'il faut.

Tout ça pour finalement venir chier des mois plus tard dans mes mp que tu veux me reparler parce que je t'aurais quitté avec un mauvais souvenir :'( Que tu veux pas laisser une mauvaise ardoise auprès de tes anciens amis :'(

Oh mais t'as raison mon pauvre lapin, ce serait vraiment trop con qu'on ait une mauvaise image de toi <3

Allez t'avais raison après tout de me chier sur ma nouvelle relation à l'époque car "c'est juste un hétéro de merde". Oui c'est vrai, les mecs cis hét jles perçois de plus en plus comme un danger public en général je m'en cache pas (enfin ils le sont pas autant entre eux, et comme eux = l'humanité ça va on va pas s'en faire). M'enfin pôvmec, tu vas pas me faire croire que t'es plus sain :')

M'enfin c'est bien d'être une victime éternelle et de se défendre de ceux qui pourraient avoir un autre vécu en les engueulant jusqu'à 3-4h du mat.

T'sais quoi, j'ai continué mon bonhomme de vie à ne pas épanouir ma sexualité primordiale et maladive dans une belle relation épanouissante et constructive, j'ai trouvé des gens qui me foutaient pas mal toutes les trois phrases, et bizarrement tu me manques pas en fait.
Et j'imagine même que je pourrai un jour faire mon chemin de vie anticonformiste à ma mesure, même si jsuis pas parfaitement factuellement un truc détaché des contingences de la vie matérielle et tout ça. Et jsuis pas triste de ça.

C'est tellement standardisé comme point de vue, par rapport au mec qui vit en coucouple avec sa meuf qui veut me défoncer la tronche parce que j'ai couché avec son copain à l'époque où c'était pas son copain et où elle avait dit "ok faites ce que vous voulez". Nan mais rien à voir, sinon c'est moi qui suis conventionnelle.

Allez jvais pas pleurer, jme barre plutôt, et jme marre bien xD
Le jour où j'ai du talent, promis, jfais une comédie sur toi. Juste sur toi :3"


04/05/2015
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En finir avec le virilisme quotidien, en finir avec le virilisme militant : proprosition d'une faiblesse positive

Ça fait un bout de temps que je sais de réputation, et pour l'avoir vérifié dans certains films d'époque comme Easy Rider de Dennis Hopper, que si progressiste qu'il ait été au niveau de la géopolitique, de l'écologie ou d'autres sujets de société, le mouvement contre-culturel hippie des années 60 et 70 avait des relents franchement virilistes voire misogynes.

Or voilà qu'un article que je lis pour mon mémoire vient étoffer ma modeste connaissance de ce milieu.

Il s'agit d'un article écrit par Betty Luther-Hillman, intitulé "The most profoundly revolutionary act a homosexual can engage in Drag and the Politics of Gender Presentation", où l'auteure évoque en partie l'évolution idéologique et les débats intrinsèque du Gay Right Movement des annéess 1960 et 1970 aux États-Unis.

J'offre ici une traduction personnelle du passage qui m'intéresse.

 

"Des universitaires ont reconnu l'existence d'une ambiance masculiniste au sein des organisations la New Left et du Black Power, et ils soulignent la fréquence avec laquelle l'activisme de ces mouvements était précédé d'un discours basé sur la rhétorique du pouvoir et du privilège masculin. Sara Evans a illustré la façon dont le biais masculin présent au sein des groupes de la New Left avait amené des femmes à critiquer ces organisations et à finalement les quitter, en fondant dans le processus le féminisme radical. Et Terence Kissack explique comment l'usage du terme "pédé" par les membres des Students for a Democratic Society et par les Black Panthers comme étant "une insulte adaptée à tous les cas" contre leurs ennemis révélait non seulement leurs conception genrée de l'homosexualité, mais aussi le présupposé masculiniste de leur engagement politique. En mettant sur un même pied le terme "pédé" et la faiblesse, les activistes de la New Left donnaient une illustration à leur croyance que les homosexuels étaient "faibles" et "non virils", et que la masculinité était le but suprême à atteindre à travers l'action politique militante."

 

Je ne sais pas s'il est utile que je précise à quel point le fait d'utiliser une insulte homophobe comme insulte pour tout et n'importe quoi sous prétexte qu'elle serait "universelle" ou qu'elle aurait "perdu son sens d'origine" ne constitue en rien une action neutre sur le plan de l'homophobie. J'ai déjà eu de longs et désespérants débats à ce propos sur twitter avec des personnes qui étaient de toute évidence absolument outrées que je critique un de leurs mots sacrés (celui qui commence par enc***).

Je développe, si nécessaire. [là je me rends compte que mon développement est plus long que prévu, donc je vais essayer de le mettre à part visuellement avec une boîte de couleur, je sens que ça va vous éblouir de beauté intrinsèque] - [et j'ai l'impression de mettre du temps à redévelopper des évidences, mais le fait est qu'au vu des commentaires que je reçois parfois, je ne suis pas sûre que tout le monde soit familier des chemins de pensée et des habitudes des défenseur.se.s des droits de lgbt]

 

Le fait de banaliser un mot dont tout le monde comprend encore le sens comme étant une insulte dévalorisante participe d'un système entier qui rappelle sans cesse aux personne attirées par les personnes de même genre (en l'occurrence les hommes cis et les hommes cis, puisque l'imaginaire collectif est cis-centré) qu'elles vaudraient moins, qu'elles seraient plus faibles, ridicules, qu'on peut les dégrader, se moquer d'elles, qu'elles ne sont que ce qu'elles sont.
Ou alors, si ce mot est employé comme une interjection, une exclamation d'étonnement, qui viserait à s'indigner des actions ou de l'éthique de le personne qu'elle qualifie, on rejoint éventuellement l'idée selon laquelle l'acte de pénétration anale est un acte forcément douloureux et punitif parce qu'humiliant. Or si on estime humiliant de "subir" cet acte, on ne peut pas prétendre qu'on n'a aucun jugement sur ceux qui dans leur vie privée le "subissent" régulièrement de façon consentie. Ça n'aurait aucune cohérence.
Et de fait, si pour une personne, indépendamment de tout autre acte de violence, de mépris ou d'humiliation, se faire reprendre simplement sur l'emploi d'un mot peut sembler abusif, il ne faut pas à mon avis négliger le fait que ce mot et d'autres rappelle quotidiennement aux homosexuels et à toute personne aimant pratiquer la pénétration anale qu'elles sont des personnes moindres, des personnes ridicules. Et qu'entendre ce mot réactive pour les personnes concernées l'ensemble des humiliations et des rejets qu'elle vit quotidiennement.

Si on ne vivait pas dans un monde franchement homophobe, où le rejet et la mise au ban font concrètement des ravages, il serait plus simple de prendre au sérieux l'argument qui veut que "ce mot ne veuille plus rien dire". En l'état actuel des choses, ça me semble assez difficile.*

[elle est trop belle ma boîte je sais]

 

Une certaine forme d'engagement politique a bel et bien historiquement drainé avec elle des habitudes de pensées patriarcales et virilistes, et ces formes peuvent perdurer encore aujourd'hui, ne serait-ce que dans les slogans de manifs étudiantes (je me souviens dans mes jeunes années d'un "***, sers les fesses, on arrive à toute vitesse"... que je reprenais d'ailleurs volontiers, perpétuant à l'époque d'une pensée qui voulait que l'acte de sodomie soit nécessairement punitif, et que cela soit sujet de plaisanterie

- un acte sexuel considéré comme une punition, au passage, c'est un viol, et il n'est sans doute pas nécessaire de menacer de viol son ennemi "pour rire" si l'on veut lui répondre et imposer un rapport de force. Bref.)

 

 

Ce que je veux dire également c'est que ce point de vue homophobe rejoint le virilisme, qui est une idée générale valorisant le fait d'être "un vrai mec qui en a" en gros, ce qui est associé à la prise de risque, les prises de position osées voire m'as-tu-vu, la témérité au mépris du danger, et surtout, surtout, le fait de ne montrer aucun type de faille, de limite, de forme de faiblesse.

Ceux qui en pâtissent, qui ne sont pas "des vrais mecs", en priorité les femmes, les homos et bis, les trans, méritent d'être traités avec plus de condescendance, et, selon les cas, d'être secourus, ou d'être punis (jamais d'être simplement considéré comme égaux avec des faiblesses, des limites individuelles, et des façons d'exprimer ces limites).

 

De façon générale le modèle individuel militant, l'homme progressiste présenté, doit être paré de toute les vertus traditionnellement "viriles" : détermination, courage, éclat, voire agressivité. Il se doit de mettre à jour les personnes "lâches et veules" (ce que sont forcément ses adversaires qui n'ont pas son panache de chevalier) et de protéger les faibles personnes trop sensibles et trop douces (qui ne sont certainement pas à égalité avec lui dans la lutte).

Je pense, et beaucoup je crois le font déjà, qu'il faut penser à changer totalement ce modèle inconscient encore fortement ancré. Sans quoi, les mêmes structures mentales restent préservées même après avoir remporté une lutte, et ses conséquences sur le long terme sont telles qu'à mon avis le bénéfice de la lutte en est fortement entaché (lutte contre les formes abusives de domination, recherche de l'indépendance et de la liberté).

 

Je suis quelqu'un de très sensible, souvent à fleur de peau. Celleux qui me connaissent dans l'intimité savent que je peux me retrouver dans des états de grande vulnérabilité relativement régulièrement et que les crises de larme ne sont pas forcément une denrée rare de ma part.

On peut considérer cela comme une faiblesse, on peut aussi le voir comme le revers d'une médaille, le signe, je ne sais pas, d'une sensibilité particulière, de capacités de voir et d'analyser aussi des vecteurs de discorde là où des personnes un peu plus "rapides" décèleraient moins de choses... Je ne sais pas, il est difficile de parler de moi-même, mais il y a tout de même je pense globalement des aspects dans une sensibilité qui peuvent être des outils réellement utiles pour une lutte.

Et c'est à mon sens extrêmement dommageable de ne valoriser qu'un type d'attitude pour lutter, celle qui correspond grosso modo au cliché du chevalier vaillant qui pourfend l'horreur. Parce qu'on évacue d'autres stratégies de lutte, d'autres types d'analyses, et qu'on met de côté des remises en questions sur nos habitudes culturelles personnelles. On préfére entasser les "méchants" de l'autre côté, vous savez, celui où il n'y a pas les chevaliers blancs mais juste des gens véreux et sans cœur.

Alors sans doute une personne régulièrement vulnérable et fragile ne peut pas diriger un mouvement de lutte sur le long terme et prendre sur ses seules épaules tout le poids des humiliations, des agressions, des petits crocs-en-jambe qui balisent forcément le chemin de celleux qui s'expriment contre un mode de pensée dominant, et ce d'autant plus qu'il est acté comme "raisonnable" et "normal" par une grande majorité de la société.

 

Mais ça n'est pas forcément une tare. Au contraire, ce fait pourrait nous amener à réfléchir durablement au modèle de relations que nous voulons promouvoir. Est-il nécessaire, est-il bon, de suivre une poignée de leaders, ceux qui s'expriment mieux, qui ont un plus grand courage, une plus grande capacité de travail, qui savent "s'imposer"? Ne peut-on considérer que nous sommes tous ensemble dans certains combats et que nous pouvons aider les plus fragiles à se ressourcer le cas échéant, sans profiter de leur fragilité pour les mettre en queue de lutte, les autoriser à porter un étendard parce que c'est cela qui leur correspondrait le mieux? Ne peut-on penser à organiser des roulements où les personnes les moins à l'aise seraient encouragées, à leur tour, à prendre des responsabilités (pas trop inconfortables mais suffisantes pour ne pas se sentir spectateurs, pour prendre confiance, peu à peu, dans leurs propres capacités)?

Et d'abord, si gentils et si avant-gardiste qu'on soit, suffit-il de prétendre que tout le monde a accès à la parole chez nous pour être vraiment égalitaire? Ne faut-il pas penser aux personnes qui par induction du groupe, par éducation, parce qu'elles sont une partie d'une minorité qui n'est habituellement pas entendue, ne vont pas s'exprimer parce qu'elles ne s'en sentent pas capables, parce qu'elles n'en voient pas la possibilité? Ne faut-il pas prendre des mesures très concrètes pour que ces personnes aient accès à la parole, qu'elles soient partie prenante du processus, plutôt que de se contenter de nos bonnes intentions? Et cesser de répondre aux critiques par "elles en ont la possibilité" "elles n'ont qu'à le faire" - perpétuant ainsi l'image viriliste du militant qui doit avoir les couilles d'agir, et s'il les a pas ce serait "normal" qu'il soit moins bon comme militant? Et si ça n'était pas leur faute, et si c'étaient toujours les même gueulards, les bons militants, qui décourageaient totalement les autres prises de parole justement à cause de ce genre de propos?

 

Il me semble urgent de promouvoir, nos seulement au sein des cultures militantes, mais au sein de notre société dans son ensemble, des modèles de "fragilité" qui ne soient pas dévalorisés (ou valorisés dans un seul sens, très limité et infantilisant).

Affirmer que se rouler en boule et pleurer dans un coin quand on est témoin d'une injustice ou quand on se sent inconfortable dans des situations d'abus n'est pas une mauvaise façon de militer. Qu'on peut être en train de chialer et quand même être capable de faire passer un message, par des conversations, par de l'art, par des billets de blog, par des twitts... Et que c'est parfait comme ça, qu'on n'a pas besoin nécessairement de s'améliorer pour mieux faire.

Qu'une prise de risque, en prenant sur soi d'organiser des actions qui demandent du courage et un peu de bravache, peut se solder par un moment de fragilité consécutif, mais que c'est pas très grave, qu'on peut prendre ce risque quand même même si on est fragile. Parce qu'on sait gérer ces moments, qu'ils ne sont pas honteux, qu'ils sont nos moments.

Je crois qu'il serait bon qu'on ait davantage d'images de héros pas trop braves et pas trop insensibles (ou qui n'aient pas cette sorte de sensibilité héroïque hollywoodienne où ÇA VA JE PLEURE MAIS EN FAIT JE SUIS TOUJOURS ON THE TOP). Que la fragilité non-infantilisée soit représentée et valorisée. Je pense qu'aucune lutte sur le long terme ne peut être envisagé sans remettre en cause profondément nos modèle de virilité, et je ne suis pas sûre que tout le monde en ait conscience à l'heure actuelle.

 

Je concluerais ce billet en évoquant une bande dessinée très sympathique qui m'est spontanément venue en tête quand je réfléchissais à ces sujets.

Princess Princess par Strangely Katie (qui a en plus le mérite de présenter une histoire de princesse en danger sauvée par une princesse héroïque, bousculant les codes genrés de la fantasy, mais c'est encore mieux que ça allez-y et vous verrez). Page 36 un des personnages, humilié par "la méchante" se fait reprocher d'être un "crybaby" entre autres. Ce en quoi elle répond grosso modo "oui, c'est tout à fait vrai, mais je ne t'autoriserais plus à me faire croire que c'est une mauvaise chose".

J'aime énormément ce passage et j'ai trouvé cette réplique très puissante. J'aimerais qu'on voit un peu plus de "crybabies" assumés dans nos fictions, qui pleurent, qui n'ont pas envie qu'on leur apprenne à ne plus le faire ou qu'on les prenne sans cesse par la main. Et que ce n'est pas du tout une mauvaise chose.


28/02/2015
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Mise en ordre

Ce blog étant sensé être avant tout politique, et beaucoup de choses personnelles y ayant éclot presque malgré moi, je vais les enlever d'ici pour les bouger vers un autre blog que je tiens, dont je vais donner prochainement l'adresse.

 

Edit : hum, voilà, je crois qu'il est présentable Mon wordpress


24/02/2015
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De la religion et de la politique?

Moi je dis ça là, après j'en sais rien hein...

 

J'ai grandi dans une famille catholique. Ce serait ptêt difficile à croire mais j'étais très, très catholique, très, très convaincue de l'existence, la bonté de Dieu, de la nécessité de l'écouter pour avoir une vie collective meilleure, etc.

J'ai retrouvé un petit papier que j'ai dû faire quand j'avais 12 ans bien pliés, avec dedans une sorte d'auto-engagement personnel à la "aujourd'hui je m'engage à être une brebis, je reconnais le Christ comme mon pasteur personnel" avec une liste d'engagements que j'avais réussi à réduire à cinq comme les doigts de la main pour avoir un système cool et cohérent, pis des passages en mode "le Mal est présent, j'y ai cédé plusieurs fois, je le sais". Tout ça quoi.

 

Et j'ai également eu très tôt, toute petite, un sens du questionnement de la société et de ses structures, pour arriver collectivement au mieux-être optimal. Mon engagement, les discussions, questions, interactions que j'ai aujourd'hui ne sont en un sens que le prolongement de ce questionnement d'origine, une étape à laquelle j'en suis arrivée aujourd'hui.

Je me souviens nettement de longues discussions que j'avais avec mon grand frère sur la meilleure façon qu'on pourrait avoir de vivre ensemble pour pas qu'il y ait d'exclusion, de violence, de souffrance, etc. On était tous gamins dans le jardin de ma grand-mère, je me souviens, on s'extasiait sur la nocivité du fric, l'idéal de tous travailler les uns pour les autres gratuitement, pour fournir ce qu'il faut à l'ensemble de la société de façon logique et responsable, avec le moins de coercition possible, etc. C'était genre, mes discussions préférées, j'en avais des étoiles dans les yeux, des rêves dans la tête, je ne pouvais pas m'arrêter de penser à ça.

Je précise que nos parents ne nous parlaient jamais de politique. On avait aucune éducation de ce point de vue-là, je ne savais pas ce qu'était la droite et la gauche et toutes ces discussions entendues à la radio me semblaient énormément compliquées et impossibles à débrouiller.

 

Je crois que le travail d'utopie que je faisais était en droite ligne avec l'amélioration de moi-même, dans un sens chrétien. J'essayais d'être la meilleure personne possible, dans la mentalité qui m'avait éduquée, basée (chez mes parents) sur l'amour et le respect des autres - un jour si je vous raconte ma vie je vous expliquerais à quel point dans les faits le respect des autres est tout à fait relatif et corrélé à la peur de la décadence chez ma maman... Mais bon hein...

Partant de cette base, j'essayais de voir quels étaient les comportements à valider de ma part, dans l'idée que j'ai pas envie de faire aux gens des trucs qui me font mal, qu'ils ont éventuellement un truc à dire quand ils font des choses que je comprends pas (que je traduis par "personne n'agit sans raison, il y a toujours une raison") et autres principes du même genre. C'était total avec ma perception chrétienne du monde, tout étant cohérent dans ces temps rétrospectivement bénis.

 

Je pense qu'il n'y a aucune rupture entre ça et mes réflexions sur la société. J'ajoutais quelques idées de fondations telles que "les autres valent autant que moi donc partons du principe que c'est mieux que tous les humains aient les mêmes chances" ou "le mieux pour qu'on s'épanouissent tous autant qu'on le veut c'est qu'on n'ait pas trop d'entraves pourries, sinon jamais on a l'opportunité d'innover dans le sens où on le sent" j'avais finalement mis au point un début de système.

 

Je me demande aujourd'hui si une éducation religieuse un peu poussée (au-delà d'un set inexpliqué de croyances) n'a pas entraîné mon esprit à articuler, symboliser des idées, conceptualiser avec souplesse les rapports humains. Je reste assez convaincue que toute religion peut être vue comme une métaphore d'une philosophie de la société. Toute religion part forcément d'une hypothèse sur l'humain, sur ce qu'il est, ce à quoi il tend, ce qu'il doit faire, comment il fonctionne.

Je pense que la religion peut être un moyen d'avoir des réflexions philosophiques, éthiques, sociales, dès très jeune. Pour peu qu'elle soit enseignée de façon souple et que le gosse ait un minimum d'indépendance, de curiosité intellectuelle, d'envie de réfléchir, développer les concepts par lui-même.

 

Pour ça que je me dis aujourd'hui qu'il est totalement cohérent que j'aie envisagé d'être bonne sœur quand j'étais ado et que je me retrouve à vitupérer et à m'acoquiner avec le féminisme intersectionnel.le.s aujourd'hui.

Pour ça que les masturbations intellectuelles d'athées qui n'ont jamais réellement approché la conviction religieuse de l'intérieur, petits sommets de pensée à la "mais, à quoi ça sert la religion?" me semblent dénuées de sens.

Pour ça que je suis encore extrêmement triste quand j'entends ce qu'on peut nous débiter comme bêtises dans l'idée "d'éduquer" ces pauvres cons de croyants à "la liberté et l'intelligance". Que je suis très amère quand je me souviens de ces "ami.e.s" qui riaient de moi en apprenant que j'étais païenne et qui me demandaient ce qu'il y avait après la mort pour moi parce que "c'est la seule raison d'avoir une religion, il peut pas y avoir d'autre raison".

 

Voilà ce à quoi je pense, humblement, modestement, depuis mon propre vécu. Je regrette seulement que si peu d'athées ait la curiosité de savoir ce que nous vivons et pensons. Que leur supériorité et leur ironie ne nous laisse pas la place de parler, nous fasse nous sentir bêtes, nous pousse à nous taire.

 

Je ne crois pas que la religion soit indispensable à tout abord d'une pensée politique. Je ne crois même pas qu'elle soit forcément souhaitable. Ce que je crois, c'est qu'elle est toujours un set d'idées qui s'articulent autour de points précis de philosophie sur l'humain. Qu'elle en est la métaphore. Qu'elle permet un ensemble de réajustement, d'inventions, de réinventions, si elle est abordée souplement.

Que chez moi, elle a été le fondement d'une pensée, son histoire, son canevas, et l'origine de tous les fils qui aujourd'hui la tissent.
On peut tout à fait philosopher sur l'humain en s'en passant. Mais elle ne l'empêche pas forcément. Elle peut l'aider, dans certains cas.


22/01/2015
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Pourquoi je ne suis pas Charlie Hebdo

Il paraît que c'est pas le moment. Il paraît que c'est pas décent. Que dire « je ne suis pas Charlie Hebdo » c'est cracher à la gueule de la Liberté, de la République.

Mais en même temps, le jour même du meurtre de dessinateurs, de journalistes, de policiers, les manifestations de soutien voient se dérouler quelques agressions de personnes voilées, on brûle un Coran, dit-on. Et partout, fleurissent les hommages, les couronnes de fleurs, la présentation de ceux qui « défendaient la liberté d'expression » comme des « martyrs », et bien sûr, le très repris « Je suis Charlie Hebdo ».

Les mouvements d'idées vont vite. Très vite. Surtout quand un pays est en état de choc. Surtout quand leur véhicule est l'émotion. C'est pourquoi je prends le parti d'être indécente, de choquer, de cracher, dit-on, à la gueule de la Liberté, de la République.

 

Je ne suis pas Charlie Hebdo, et les journalistes assassinés ne sont pas des trublions morts en héros, en défendant la République. Et c'est important à mes yeux de le rappeler dès aujourd'hui parce qu'en le disant, en multipliant les hommages, on justifie leurs œuvres, on les soutient, on rappelle à ceux qui auraient préféré qu'elles disparaissent, ceux qu'elle a profondément blessés, qu'ils ont obscurantistes, contre la République.

Les dessins de Charb étaient régulièrement racistes, islamophobes, sexistes. Ils choquaient, faisaient réagir, faisaient rire, parce qu'ils étaient racistes, islamophobes, sexistes. C'est pour cette raison uniquement qu'ils alimentaient une certaine opinion, qu'ils nourrissaient un certain débat public. C'est par le choc qu'ils produisaient en agressant des gens – car ce choc fait réagir. Ce n'était pas parce qu'ils défendaient « la liberté d'expression ». Par définition, les journalistes de Charlie Hebdo ne défendaient pas « la liberté d'expression » (pas que je sache, et en tout cas pas dans le cadre de leurs caricatures), par définition ils ne défendaient que leur propre expression et leur droit de voir leur propre œuvre diffusée partout. Ça n'est pas pareil.

« Défendre la liberté d'expression » signifie, à mon sens, « défendre le droit de n'importe qui à dire ce qu'il veut ». Si vous dites que Charlie Hebdo devait voir ses numéros publiés sans censure, vous défendez la liberté d'expression. VOUS la défendez, mais ce n'est pas Charlie Hebdo qui le fait.

 

Prenons une comparaison qui me semble probante. Imaginez une figure archétypale bien connue des dîners de famille bourgeois. Tonton Raciste. Tonton Raciste dit des trucs insupportables à table chaque fois qu'il est invité à un repas de famille, des trucs du genre « leur religion n'est pas une religion, elle incite à la haine », « on est envahi », « on perd notre identité française », bref, tout l'arsenal habituel des Tontons Racistes. Je vous refais pas le tableau.

Dans ce cadre, en écoutant Tonton Raciste, diriez-vous qu'il est en train de défendre la liberté d'expression ? Personnellement je ne le ferais pas. Tonton Raciste ne défend pas « la liberté d'expression », il ne défend que son point de vue. Par contre, si vous tenez à ce qu'on l'invite quand même au repas et qu'on ne le fasse pas taire, VOUS défendez la liberté d'expression.

Imaginons maintenant qu'entre deux bouchée de choucroute, entre deux arguments particulièrement malsains que Tonton Raciste développe, un individu entre dans la maison, s'écrie « tu mourras à cause des insultes envers ma religion », et tue de sang froid Tonton Raciste devant toute la tablée sidérée et s'enfuit par la fenêtre.

Ce qui vient de se passer est clairement horrible, et on n'aura jamais assez de mots pour exprimer à quel point Tonton Raciste ne méritait pas de mourir, avait droit à mener sa vie, à être ce qu'il était et exprimer ce qu'il voulait. Ce sont des faits. J'aimerais franchement ne pas choquer toute la famille et ne pas salir toute la mémoire de Tonton Raciste, mais je crois en revanche que si on grave sur sa tombe « mort en défendant la liberté d'expression », je me sentirais obligée de réagir. Si on y met une statuette de Tonton Raciste, le poing levé, menant une armée héroïque de libérateurs, et mort au combat de la Liberté, j'aurais vraiment un gros problème.

Vous voyez, j'aimais Tonton Raciste, c'était un gentil individu qui faisait de très bonnes tartes aux fraises et avait beaucoup d'attention pour les enfants de la famille, mais il n'est pas mort en défendant la liberté d'expression. Par contre, si moi je défends sa mémoire et son droit de parler, je défends clairement une idée de la liberté d'expression.

 

Revenons à Charlie Hebdo. Pourquoi je ne souhaite pas faire le glissement, pourquoi voir que ce glissement est apparemment consensuellement admis me sidère, m'alarme assez pour que je prenne la parole ? Pourquoi, de façon indécente, irrespectueuse, je rappelle que des morts, des personnes assassinées hier, avaient tenu des propos très blessants et très discriminants ?

Parce que dire que ces dessinateurs tués étaient des héros de la liberté d'expression, sont morts au combat, revient à dire que tenir publiquement les propos qu'ils tenaient était en soi un combat pour la République. Donc cela revient à dire que les personnes qui étaient blessées et auraient voulu qu'ils ne tiennent pas ces propos sont, par nature, parce qu'ils étaient blessés, des ennemis de la République.

Qu'on soit un ennemi de la Liberté en assassinant ces journalistes, il me semble assez sain que cela fasse consensus. Il me semble normal, vital, qu'on en soit choqué, qu'on réagisse ensemble.

Qu'on soit un ennemi de la Liberté en exprimant qu'on ne trouve pas normal qu'un journal public s'essuie les pieds sur la religion et l'identité de minorités du pays, c'est quand même plus difficilement recevable. J'ai l'impression qu'en ce moment on est en train de remettre les pires unes de Charlie Hebdo sous les yeux des musulmans de France et de leur crier « si vous ne les trouvez pas saines et bonnes, alors vous ne respectez pas les morts, alors vous justifiez qu'on les tue, vous êtes complices de leur mort ».

 

Parce que représenter les journalistes de Charlie Hebdo en « trublions » « irréverrencieux » de la République signifie que l'on soutient sans conditions tous leurs propos et toutes leurs images comme étant sains,

parce que ce faisant on pointe du doigt ceux qui se sont battus contre ces propos et ces images comme étant malsains,

parce que sous l'émotion les idées circulent vite, qu'un pays choqué a vite fait de prendre des mesures de protection et de méfiance extrême, et qu'il faut donc hélas être vigilant dès maintenant.

Je ne suis pas Charlie Hebdo.

 

Mais je voudras avoir une pensée à la mémoire de ceux qui ont perdu la vie, aussi bien les journalistes de Charlie Hebdo, victimes de cette attaque, que toutes les victimes quotidiennes, moins visibles, de l'islamophobie dans notre pays. Toutes ces personnes méritent le respect et la dignité.

 

 

EDIT : on me signale dans l'oreillette que le mot d'ordre est "Je suis Charlie" et non "Je suis Charlie Hebdo".
Apparemment selon mon commentateur affolé c'est TRÈS TRÈS IMPORTANT et ça change sûrement TOUT LE SENS DE CE MOUVEMENT, donc voilà, mea culpa.
C'est "Je suis Charlie". Pardon. J'espère que les choses sont plus claires, à présent.


08/01/2015
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